J’ai envie de te dire, dans un langage quelque peu familier, de t’occuper de tes fesses, de te mêler de tes oignons, au lieu de donner des conseils non sollicités à tout bout de champ. Je suis sûre que la langue française cache encore bon nombre d’expression de ce genre.
J’entends déjà l’orage gronder avec une telle entrée en matière. Pourtant, je suis la première à interpréter ce que me confient mes proches, pour ensuite leur donner un conseil non sollicité, les accompagner ou encore les aider à MA manière, selon MA vérité. Sauf que, la plupart du temps, la personne en face a juste besoin de vider son sac.
Pourquoi en finir avec les conseils non sollicités
Les conseils non sollicités, c’est un peu comme le non-consentement, il y a une absence de respect de la personne. La comparaison est forte, je dois bien l’admettre, pour autant, le respect est, à mon sens, un des piliers d’une relation saine et sereine.
Une intention louable qui peut dégrader une relation
Le risque majeur, en apportant un conseil non sollicité, est de tomber dans le triangle de Karpman. En effet, donner un conseil part bien souvent d’une bonne intention, celle d’aider l’autre. Cependant, cela te met dans une position de sauveur. Malgré toi, tu prends une posture supérieure, car tu estimes savoir ce qui est bon pour l’autre. De ce fait, tu victimises la personne.
D’ailleurs, celle-ci peut ressentir de la frustration, car tout ce qu’elle voulait, c’était se confier et être écouté. Or, tu n’as pas été l’oreille attentive qu’elle espérait. Pire encore, tu passes de personne de confiance, de confident, à bourreau. La boucle est bouclée, tout le monde se retrouve enfermé dans un schéma négatif pour soi et pour la relation.
En finir avec les conseils non sollicités pour redonner sa responsabilité à chacun
Tout l’intérêt de sortir du triangle de Karpman est que chacun (re)prenne sa responsabilité. Ainsi, en donnant des conseils non sollicités, tu retires à l’autre son autonomie dans sa prise de décision. C’est en faisant ses propres choix et ses propres expériences que la personne apprend à se connaître, définit ses valeurs et ses limites.
Il existe tout de même une exception à la règle. Il est de ton devoir d’interférer dans la prise de décision d’une personne quand celle-ci se met en danger, sans équivoque. Dans ce cas, ce n’est plus seulement apporter un conseil, c’est assister une personne en danger. Il lui restera toujours la liberté de ne pas écouter, et d’aller droit le mur. C’est peut-être ce qu’elle a à vivre. Il est parfois nécessaire de toucher le fond pour rebondir.
Se focaliser sur l’autre pour ne pas être à l’écoute de soi
Les conseils non sollicités peuvent également court-circuiter l’effet miroir de l’échange. En effet, en te concentrant sur ce que tu vas pouvoir répondre à la personne face à toi, même si elle n’a pas posé de question, n’a pas formulé d’aide, tu n’es plus à l’écoute de toi-même et de tes ressentis.
Ainsi, tu n’écoutes pas l’autre et tu ne t’écoutes pas intérieurement, alors même que l’échange peut être riche pour les deux parties. La personne qui se confie à toi se libère, et tu peux observer les émotions qui se manifestent en toi. Le récit d’une personne extérieure peut entraîner une prise de conscience, voire même t’apporter une solution à une problématique éventuelle.
Ecoute active et écoute passive pour plus de consentement
Le conseil a pour vocation de partager ou d’informer autour d’une thématique, et non pas d’imposer sa vérité, ses idées, voire même de faire la leçon ou d’établir sa supériorité. À partir de là, il important d’évaluer la situation et de comprendre les besoins de l’autre, avant de prendre le risque de donner un conseil non sollicité.
L’écoute active pour saisir s’il y a une sollicitation ou non
Dans un premier temps, il peut être convenable de mettre en place une écoute active, développée à partir des travaux de Carl Rogers, psychologue américain. Celle-ci implique d’être à 100 % focalisé sur ce que la personne veut te dire. Si tu réfléchis déjà à ce que tu vas pouvoir lui donner comme conseil, tu es sortie de l’écoute active. Il est aussi important de faire preuve d’empathie et d’être observateur, car le non-verbal a aussi des choses à dire.
En plus d’être pleinement disponible, la clé majeure de l’écoute active est la reformulation. D’une part, cela permet de t’assurer que tu as bien compris les propos de la personne face à toi. D’autre part, celle-ci entend sa situation avec d’autres mots. Parfois, cela suffit pour que la personne prenne du recul et y voit plus clair.
À ce stade, tu devrais être en mesure de savoir s’il y a une demande de conseil sous-jacente. Tu peux la confirmer en posant la question. Dans tous les cas, plutôt que de donner un conseil, il est recommandé de poser des questions. Ainsi, tu offres à la personne l’opportunité de chercher et trouver les réponses dont elle a besoin, d’elle-même. L’écoute active est très souvent utilisé en coaching ou en thérapie. Aucune place n’est censée être laissé aux avis personnels du professionnel.
L’écoute passive, un espace d’expression accueillant et bienveillant
Dans le cas où la personne aurait seulement besoin d’être écouté, tu peux passer de l’écoute active à l’écoute passive. Cela se produit régulièrement en psychothérapie et en psychanalyse, où la personne a toute la liberté d’exprimer ses émotions et ses ressentis. Des associations d’idées se créent alors, et amènent parfois à trouver la solution par soi-même.
L’écoute passive demande également d’être focalisée sur la personne. Afin que celle-ci ressente un soutien, ainsi que l’accueil, la confiance et la bienveillance du moment. Cela peut suffire à déclencher des prises de conscience, par le simple fait de s’entendre verbaliser à haute voix les événements vécus.
S’intéresser au Design Humain pour éviter les conseils non sollicités
Afin d’accompagner au mieux les personnes qui se confient à toi, tu peux également t’intéresser à leurs fonctionnements, tels qu’ils sont décrits en Design Humain. Il y a des notions de base qui sont facilement accessibles et qui peuvent expliquer de nombreux comportements.
Générateur : répondre à la demande
Sachant que la population mondiale est composée d’environ 70 % de générateurs, le comportement le plus adapté à la majorité des cas est de poser une question avant de donner un conseil. « Est-ce que je peux te donner un conseil selon ce que tu me racontes ? » reste la meilleure option pour apporter son aide, tout en respectant le consentement.
Bien sûr, il est important que tu gardes toujours en tête que ton conseil s’appuie sur ce que la personne t’a transmis. Tes propres émotions ne doivent jamais entrer en compte. De même, si tu formules un conseil à partir de ton expérience, n’oublie pas de rappeler que c’est ton point de vue, ton vécu, et que l’autre est libre d’en faire ce qu’il veut.
Projecteur : attendre l’invitation
Les projecteurs (20 % de la population) ont un véritable don pour poser les bonnes questions, celles qui font réfléchir. Pour autant, cela peut passer pour un conseil non sollicité, et ce qui partait d’une bonne intention peut créer de la tension.
Quand c’est le projecteur qui se confie, comme pour n’importe quel type, il est important de lui demander la permission avant de le conseiller. La différence va être dans la manière de formuler la demande de consentement. Le projecteur a besoin d’une invitation. Tu peux donc lui tendre la main en lui exprimant que tu es disponible s’il souhaite que tu lui apportes ton aide, et notamment un conseil. C’est à lui de saisir l’opportunité.
Manifesteur : initier et informer
Pour ce type de personnalité, je vais te parler en connaissance de cause. Le manifesteur, soit 9 % de la population, n’aime pas qu’on lui donne des conseils. Si tu le fais sans qu’il n’ait formulé une demande claire, tu seras directement qualifié de bourreau.
C’est à lui, et à lui seul, d’initier la demande, d’exprimer ses besoins. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer qu’il ne fera pas la démarche. Quoi qu’il en soit, à moins qu’il se mette en danger, tu n’as pas à intervenir et encore moins à lui donner des conseils non sollicités.
Réflecteur : attendre avant de prendre des décisions
Tu as la chance d’être en relation avec un réflecteur (type de personnalité représenté par 1 % de la population) : félicitations ! Par sa simple présence, en étant attentif à son humeur, tu peux en apprendre beaucoup sur toi et sur l’environnement dans lequel vous évoluez. L’effet miroir est décuplé en présence d’un réflecteur.
Une fois encore, le respect du consentement passe avant tout bon conseil que tu pourrais lui apporter. Ce qu’il est encore plus important de retenir, c’est que le réflecteur doit impérativement attendre d’être passé par divers états émotionnels avant de prendre une décision. Ainsi, le meilleur conseil que tu peux lui donner est celui de prendre son temps pour réfléchir, notamment quand il s’agit de prendre une décision importante.
Tu as désormais plusieurs clés de compréhension et d’action pour en finir avec cette habitude non-respectueuse qu’est le conseil non sollicité. L’aide que tu apportes aux autres n’en sera que plus louable si tu leur permets de reprendre leur responsabilité et de retrouver leur plein potentiel.
Last modified: 19 janvier 2024